Le commentaire critique d’une photographie

Définir la critique

Similitude de couleurs basées sur les nuances

Sur les sites, les forum ou groupes de passionnés de photographie, on parle souvent de « critique d’une photo ». Dans l’esprit de beaucoup de personnes le mot « critique » est très souvent associé à « commentaire négatif ». Or il faut comprendre le terme « critique » dans le sens qu’en donne le dictionnaire : « Qui s’applique à discerner les qualités et les défauts d’une oeuvre, d’une production de l’esprit ».

Avoir « l’esprit critique » étant quand à lui défini par le dictionnaire en ces termes : « Qui ne tient pour vraie une proposition qu’après l’avoir établie ou démontrée et après avoir examiné toutes les objections susceptibles de lui être opposées ». Pour atténuer l’impact négatif lié à ce mot nous le complétons souvent par « critique positive ».

Comment dans ces conditions « critiquer » correctement le cliché qu’un photographe – amateur ou professionnel –  poste sur internet. Dans cet article je vous propose ma méthode pour obtenir une critique constructive, c’est à dire une analyse structurée de la photo, pour émettre un avis sur celle-ci. Il s’agit de ma manière de procéder. N’hésitez pas à commenter cet article pour nous donner votre vision des choses.

La problématique des commentaires

Les commentaires liés à la mise en ligne d’une photographie sont le plus souvent stériles. Je veux dire par là que :

Soit les commentaires sont volontairement négatifs, désobligeants, haineux, voire insultants, et dans ce cas il faut purement et simplement les supprimer et bannir la personne qui les écrit.

Exemple de couleurs froides

Soit les commentaires sont volontairement sympathiques, mais avec l’espoir sous-jacent que vous ferez de même si cette personne poste à son tour une photographie.

Avoir un commentaire du style : « Nul » ou « Super » ne sert à rien, pas plus à son auteur qu’à celui à qui ce commentaire est destiné.

Avoir un commentaire critique construit et argumenté sur une de vos photographie est ce qui peut vous arriver de mieux pour vous aider à progresser. Ce type de commentaire étant précieux, il est rare. Pourtant il n’est pas très complexe de faire une étude critique d’une photographie.

Comprendre la photo

Lorsque l’on découvre une photographie sur le site web d’un photographe, sur un réseau social orienté photographie, ou sur un groupe Facebook par exemple, on aura deux comportements possibles.

Le premier sera une sorte d’indifférence. On accroche pas. La photo ne nous parle pas, elle ne nous interpelle pas. Dans ce cas ne mettez aucun commentaire.

Exemple de couleurs chaudes

Le deuxième comportement est lié au fait que la photo nous accroche, on ne peut pas passer à la suivante, il y a quelque chose qui nous retient. Notre regard balaye la photo et notre esprit est happé par l’image qui génère en nous des souvenirs, mais aussi des sensations, des sentiments, des goûts, des odeurs, des textures etc. Dans ce cas on peut vouloir commenter cette photo. C’est à partir de ce moment que l’on va construire une critique.

Emettre une critique sur une photo passe par la création d’une fiche d’analyse (enfin du moins c’est comme cela que je l’appelle) permettant de bâtir un argumentaire. C’est à dire qu’il faut analyser la photo sous différents aspects et ensuite seulement on pourra rédiger son commentaire. En suivant ma fiche guide, vous pourrez observer l’image sous tous les angles et vous serez à même de poser des questions pertinentes à son auteur qui verra qu’il s’agit d’un commentaire argumenté et dont l’objectif est d’engager un dialogue constructif.

Ma fiche d’analyse

C’est en fait un aide-mémoire qui me permet de ne rien oublier. Même si vous ne publiez pas une photo, faites l’analyse proposée ici régulièrement sur vos propres photographies (pour vous) et vous verrez que cet exercice est très enrichissant et permet de progresser très rapidement. Les données EXIF, si vous les avez, vont vous donner une information qui ne sert pas à grand chose dans l’ analyse de l’image. Comme on l’a déjà vu dans l’article sur le triangle d’exposition, ces données sont corrélées entre elles. Les réglages permettant d’obtenir cette image auraient pu être différents. Ces informations génèrent très souvent des débats stériles.

La structure de l’image :

Composition basée sur des lignes obliques pour la lavande et droites pour le blé. Remarquez les lignes de fuites

La composition procède des techniques des arts graphiques. On doit maîtriser l’organisation de la scène dans le cadre. Il y a des principes majeurs dans la composition, mais toutefois il est important de ne pas être « trop scolaire », ni trop borné à respecter scrupuleusement les règles fondamentales. Ces règles sont là comme des bases référentielles sur lesquelles le photographe se reposera pour apporter sa vision de la scène, son interprétation de la réalité. Voyons ensemble quels sont les éléments qui me permettent d’analyser la structure d’une image

Sa composition : le photographe a-t-il composé la scène sur la base de lignes droites (verticales, horizontales, diagonales), de courbes, de carrés, de rectangles, de cercles, de triangles ?

Exemple de cadre dans un cadre

Son cadrage : A quelle place se positionne le sujet (centré ou décalé) ?,  y-at-il un cadre dans le cadre ? , le contenu du cadre est-il encombré par une multitude d’information ?, Sert-il à mettre en valeur le sujet ou l’étouffe -t-il ?,  les éléments présents dans le cadre sont-ils équilibrés ? Quelle est la position de l’horizon dans le cadre ?

Ses lignes de force : Y-a-t-il respect de la règle des tiers (oui ou non), ou partiellement (respect sur les verticales et horizon au centre par exemple) ?

Ses points de force : Sont-ils positionnés aux intersections des lignes de la règle des tiers ?

Son point de fuite : C’est la rencontre des lignes de fuite. Est-il au centre de la photo, ou décalé à droite ou décalé à gauche ou même est-il hors du cadre ?

Contre-Plongée

Plongée

Sa perspective : C’est le point de vue du photographe c’est à dire où est le photographe par rapport à son sujet ?, à niveau d’homme, en plongée, en contre-plongée ? Le point de vue choisi altère-t-il les perspectives (en rapport avec le choix de la focale par exemple) ?

Sa zone de netteté : Quelle est la zone de mise au point ?, quelle est la qualité du bokeh ? , quelle est la qualité de la mise au point sélective ?, quelle est la qualité et la nature de la capture du mouvement (filé par exemple) ?

Son contraste : Comment a été utilisé le contraste ? Est-il du à l’opposition lumière et obscurité ?, est-il du à l’opposition de couleurs, est-il du à l’opposition de formes, y-a-t-il plusieurs effets de contrastes ?

Son utilisation : Le photographe a-t-il su tirer partie de motifs ou de textures présents dans la scène ?

Sa simplification : Le photographe a-t-il concentrer sa composition uniquement sur son sujet ? Est-on dans un cas de photo minimaliste ?

Son utilisation : Le photographe a-t-il su utiliser la symétrie, le parallélisme, ou la répétition.

Photo basée sur la répétition

Sa mise en scène : Le photographe nous propose-t-il un effet de suggestion de mouvement en fonction de la position du sujet (corps, buste, bras, jambes, cheveux, vêtements) donnant l’impression de mouvement. S’il s’agit de photo d’animaux on s’attachera à la notion de mouvement ou d’immobilité en fonction de la position du corps, des pattes, de la tête. Dans le cas d’objets on appréciera la qualité du travail du photographe qui transmet le mouvement d’un liquide dans lequel tombe un glaçon par exemple.

Les couleurs

La manière dont on évalue, dont on ressent ou dont on apprécie la couleur est très subjective. Il faut ajouter à nos goûts personnels, les ressentis liés à notre culture, à notre expérience auxquels il faut ajouter les effets liés à nos émotions. On va analyser les couleurs d’une photo en essayant d’effacer de notre jugement la notion de subjectivité. On s’attachera à comprendre :

Son traitement : La photo est-elle en couleur, en noir et blanc, monochromatique, en  bichromie ?

Sa température : La photo présente-t-elle des couleurs, des tonalités chaudes (orangées) ou des couleurs ou tonalités froides (bleutées) ? Implicitement on traduit ici le choix technique de la balance des blancs.

Bokeh et couleurs complémentaires

Son intensité : la puissance de la couleur ou des couleurs de la photo devient-elle le sujet de la photo ?

Son unicité : La photo présente-t-elle une dominante de couleur unique ?

Son harmonie : Le photographe a-t-il gérer une opposition de couleurs complémentaires ou des similitudes de couleurs basée sur les nuances ?

Son accent de couleur : Y-a-t-il un accent de couleur ? c’est à dire une petite surface de couleur qui tranche au regard de la tonalité générale et qui attire le regard comme un aimant. (par exemple un personnage tout de blanc vêtu dans l’immensité des dunes d’un désert)

La lumière

La qualité de la lumière naturelle qu’est le soleil est soumise à de nombreuses variations au fil d’une journée et au fil des saisons. la météo a bien entendu une influence considérable sur ce type de lumière. Le photographe en est tributaire et il lui appartient d’en tirer profit. La lumière artificielle, celle d’un studio est différente dans le sens où l’on peut la placer où l’on veut, lui donner l’intensité que l’on veut et avoir la possibilité d’utiliser plusieurs sources lumineuses en même temps. Le photographe est alors maître de sa lumière. L’analyse de la lumière d’une photographie va essentiellement dépendre de :

Son origine : Est-ce une source naturelle, une source naturelle et artificielle (flash) ou bien est-ce une lumière contrôlée de type studio photo.

photo minimaliste

Sa direction : Comment affecte-t-elle le sujet ? Est-elle latérale, face au sujet ou face au photographe (contre-jour)

Sa qualité : Le photographe a-t-il opté pour une lumière douce ou une lumière dure avec des ombres très marquées. La lumière qui arrive sur le sujet est-elle diffuse, tamisée ? Est-elle vive, irradiante ? Voit-on des points lumineux, des traînées lumineuses, des étoiles lumineuses?

Sa température : La lumière utilisée est-elle plutôt chaude ou plutôt froide ? Est-ce la lumière dorée des golden hours, lumière bleutée de l’heure bleue, les roses et jaunes du lever de soleil jusqu’au oranges et rouges intenses du coucher de soleil ? Est-ce une lumière du crépuscule ?

Son utilisation : Le photographe nous propose-t-il un Low-key (très sombre), High-key (très clair), une silhouette, un halo, un clair-obscur ?

Le thème

Il s’agit du genre de la photographie. Elle pourra être un témoignage visuel de notre interprétation de la réalité de la scène photographiée. Elle pourra également mettre en oeuvre l’originalité et/ou la créativité du photographe pour donner une autre dimension à la réalité de la scène. On va rechercher :

Composition sur la base de la règle des tiers et en 4 le flou traduit le mouvement

Son thème de base : photographie de paysage, de portrait, d’architecture, de rue, d’animaux, de style de vie, de macro-photographie.

Son contenu narratif : le fameux QQOQCP est utilisé pour apprécier la narration qui émane de la photo. On doit pouvoir répondre aux question suivantes : Qui ? (qui est le sujet?) Quoi ? (que fait-il ?, quelle action?) Où ? (dans quel lieu ?) Quand ? (date ? ou plutôt époque ? ») Comment ? (quels éléments participent à l’action) ? Pourquoi? (Pourquoi avoir pris cette photo ?, est ce un témoignage ?, Quel message véhicule la photo ?)

Son originalité : Qu’est ce qui fait que cette photo est unique par son originalité (quelle qu’elle soit) ?

Sa créativité : Quels éléments créatifs rendent cette photo différente de ce qui s’est déjà fait ?

Qualité de la post-production : Y-a-t-il des défauts évidents d’une post-production trop poussée créant des artefacts, des bandes et autres anomalies liées à une mauvaise maîtrise de la post-production ?

Utilisation de la fiche et objectifs

A partir de l’instant où vous vous êtes posé toutes ces questions, il se peut que certaines restent sans réponse. C’est là que vous allez pouvoir commenter la photo en posant la ou les questions à son auteur en ayant pour but de comprendre les raisons de son choix. Pour que le dialogue soit constructif il ne faut surtout pas se poser en donneur de leçons, mais en sachant comprendre ou décrypter l’intention du photographe. C’est lui qui a pris la photo, c’est lui qui a voulu ce cadrage, cette lumière etc. C’est lui qui sait. De sa réponse va naître peut-être une approche différente de ce que l’on avait compris à l’origine. L’analyse préalable que vous avez eu de la photo vous permet d’avoir des arguments pour alimenter un dialogue à la fois entre l’auteur de la photo et vous, mais aussi avec les autres membres qui vont à leur tour commenter la photo.

L’objectif de cette démarche est d’analyser la photo pour nous permettre de réfléchir avant d’écrire. Ne pas se poser des questions sur une photo que l’on s’apprête à commenter, c’est un peu comme un journaliste qui ferait un papier sur un film qu’il n’a pas vu, ou un critique littéraire qui parlerai d’ un livre qu’il n’a pas lu.

N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires sur le sujet, me dire comment vous procédez, quelle est votre propre méthode, est ce que cet article vous a été utile, bref n’hésitez pas à enrichir le dialogue.

Voilà c’est tout pour aujourd’hui, si vous avez aimé ce tuto n’oubliez pas vous abonner au site et à à la chaine YouTube – c’est très important pour qu’on soit de plus en plus visible sur YouTube –  et pour voir les prochains tutos entièrement gratuits.

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Et en attendant faites des photos !