La Lumière (1ère Partie)
Photographie : étymologiquement ce mot signifie « écrire avec la lumière ». Il est constitué du préfixe grec « photo » – qui procède de la lumière– et « graphie » – peindre, dessiner, écrire. La lumière donne tout l’intérêt que l’on peut porter à une photographie. Pour un sujet donné, visible par tout le monde, c’est le choix de la lumière qui l’éclaire qui va être l’élément clé, dans l’oeil du photographe. Quant au spectateur, ce qui va faire la différence c’est cette sensation de maîtrise de la lumière par le photographe.
Ainsi, on peut dire que la qualité d’une photo procède de sa lumière. Il s’agit d’un enjeu technique majeur auquel le photographe devra apporter un soin tout particulier pour que son cliché se démarque des photos banales. Bien entendu, nous verrons au fur et à mesure de cette série d’articles sur les fondamentaux de la photographie, que d’autres facteurs tels que le choix du sujet, de l’instant etc. contribuent à faire émerger une photographie parmi des milliers, des millions d’autres. Cependant il faut bien être conscient qu’avant de pouvoir capter « LA lumière » qui va rendre votre photo unique, vous aurez réalisé des dizaines, des centaines, voire des milliers de photos « banales », comme autant d’esquisses, à l’instar des peintres, avant qu’ils ne posent le pinceau sur la toile.
Introduction
La lumière visible est d’un point de vue technique, un rayonnement électromagnétique. La vision humaine est limitée entre les valeurs de 380 à 780 nanomètres (ultra-violet à infrarouge). La perception des couleurs dépend de la sensibilité à trois couleurs : le rouge, le vert et le bleu.
De nombreux problèmes concernant la perception des couleurs, proviennent à la fois de notre incapacité à distinguer toutes les couleurs et la faculté de notre oeil et de notre cerveau à s’adapter en ajustant les niveaux de couleurs et de luminosité de sorte que les conditions d’éclairage nous semblent normales. Il existe très souvent un écart considérable entre la scène réelle que nous voyons et l’image que l’on obtient avec notre appareil photo. Les sources de lumière que nous étudierons tout au long de ces tutoriels diffèrent dans leur approche et donc dans les réglages de l’appareil photo. Nous verrons comment gérer la lumière naturelle, les lumières artificielles, l’éclairage photographique (flash et studio). Nous aborderons ensuite les notions d’étalonnage, de HDR et nous terminerons dans la dernière partie par un tour d’horizon des différents types de réglages en fonction des différents types de situations de luminosité.
Couleurs de la Lumière
Sans entrer dans les méandres des théories de la couleur, pour faire simple aujourd’hui, on va dire que un écran permet de visualiser les couleurs en utilisant un faisceau rouge, un faisceau vert et un faisceau bleu d’où le terme RVB ou RGB qui veut dire la même chose mais en anglais red, green, blue. Chaque couleur rouge, vert et bleu peut prendre 256 valeurs (de 0 à 255). Vous comprenez donc qu’en mélangeant 256 nuances de rouge, 256 nuances de vert et 256 nuances de bleu on arrive à des millions de couleurs permettant de représenter une photographie sur un écran.
Lorsque le rouge, le vert et le bleu sont à leurs valeurs maximales (255,255,255) on obtient une lumière blanche comme on le voit sur l’image de la théorie de la couleur RVB.
Maintenant si je souhaite imprimer ma photo, les couleurs primaires des encres d’imprimerie ne sont plus RVB mais CMJN à savoir Cyan, Magenta, Jaune et Noir. Alors qu’il faut de la lumière pour éclairer un écran qui est noir, il faut en supprimer pour couvrir avec des encres une feuille qui à l’origine est blanche.
Encore une fois on ne va pas rentrer dans des explications trop complexes, mais dans tous les logiciels de développement et de retouches photo, il y a une base minimale à connaître, pour le reste on laisse ça aux spécialistes. Dans tous ces logiciels vous pourrez gérer la couleur avec ce que l’on appelle le disque chromatique.
Les couleurs que vous aurez à utiliser se définissent par 3 valeurs rouge, vert, bleu par exemple RVB(255,255,255) c’est du blanc et RVB(0,0,0) c’est du noir. RVB(42,42,42) c’est un gris. si vous avez RVB(255,0,0), c’est du rouge ! on peut bien sûr faire la même chose pour les autres couleurs, c’est le principe qui importe.
Dans certains logiciels vous pourrez trouver des valeurs RVB du type #A0A788. Pas d’affolement, il s’agit de la valeur hexadécimale de RVB(160,167,136). Que ce soit sous Windows, Mac ou Linux il existe des convertisseurs qui vous permettront, si vous en avez besoin, de faire les conversions.
Ces quelques éléments de colorimétrie sont indispensables à connaître et vous permettront de comprendre les bases. Nous aurons l’occasion plus tard de revenir sur le sujet et notamment sur la calibration des écrans et les profils colorimétriques.
Pour l’instant c’est tout ce qu’il faut savoir sur la couleur.
Température de couleur
La température d’une couleur est en rapport avec les températures de combustion. A une température basse correspond une lumière jaune-orangée comme la lumière émise par la flamme d’une bougie. A l’inverse une très haute température correspondra à une lumière bleutée comme la lumière émise par un ciel bleu.
En photographie on utilise l’échelle des Kelvins (K). Comme nous le voyons sur le graphique, la lueur d’une bougie correspond à environ 2000K, un coucher de soleil est à 3000K. La lumière photographique à incandescence est normalisée à 3200K. La lumière du jour est située à 5200K et c’est à cette valeur que l’on retrouvera les ampoules de flash. La lumière du jour à l’ombre donnera une valeur de 6500K et un ciel très bleu approchera les 10000K.
Balance des Blancs
La température de couleur peut-être modifiée manuellement grâce à un réglage de l’appareil photo appelé : Balance des blancs. Pratiquement tous les appareils sont dotés d’un menu de balance des blancs permettant les réglages de base suivants :
Option | (K) | Usage principal |
Auto | 3000 à 8000 | Balance des blancs réglée automatiquement par l’appareil |
Incandescent | 3000 | Pour des éclairages de type « ampoules domestiques » |
Fluorescent | 4200 | Pour les éclairages de type « tube néon » |
Lumière du jour | 5200 | Eclairage des sujets au soleil |
Flash | 5200 | Eclairage des sujets au flash |
Nuageux | 6000 | Eclairage des sujets par temps nuageux |
Ombre | 8000 | Eclairages des sujets dans l’ombre |
Choix utilisateur | 2500 à 10000 | Choix manuel par l’utilisateur, parfois le système permet de sauvegarder des réglages utilisateurs |
Comme vous le voyez sur le schéma, des pictogrammes peuvent vous aider à vous repérer.
Afin de minimiser les dominantes liées à une balance des blancs erronée, le plus simple est de prendre vos photos au format RAW et non pas en jpeg. Le format brut (raw) permet de changer la balance des blancs à postériori lors de la phase de développement. Il existe une méthode permettant de réaliser une balance des blancs en prenant en photo votre sujet et une charte de gris 18% ou une feuille blanche – sous la même lumière évidemment – Vous pouvez sur certains appareils étalonner votre balance des blancs directement, sinon en post-production on utilisera la photo prise avec la charte pour étalonner notre balance de blancs et on appliquera ce réglage à toutes les photos prises dans les mêmes condition d’éclairage. J’utilise le système ColorChecker Passport de chez X-rite pour ses différentes chartes de blanc, de gris et de couleurs, le tout dans un format de poche qui ne tient pas de place dans un sac photo. Il existe enfin le réglage AWB (automatic white balance) qui laisse votre appareil prendre la décision du choix de la balance des blancs. Le résultat n’est pas toujours le meilleur mais en débutant c’est un choix judicieux qui ne se trompe pas trop tant que l’on reste sur des conditions de lumière pas trop complexes.
Mesurer la lumière
Pour mesurer la lumière d’une scène on peut utiliser soit la cellule embarquée dans notre appareil photo, soit utiliser un posemètre. Personnellement j’utilise depuis déjà quelque temps un posemètre Polaris 2. Ce posemètre est simple d’utilisation et me rend de précieux services notamment en photographie de studio. Je prévois d’ailleurs de faire un tutoriel sur son utilisation très bientôt. Si les posemètres intégrés aux boitiers calculent la lumière réfléchie par la scène, le posemètre indépendant, lui, permet de mesurer la lumière incidente, c’est à dire la lumière qui arrive sur le sujet.
Deux types de mesure
Pour faire simple, on parlera de lumière réfléchie lorsque la mesure sera prise par le boitier et de lumière incidente lorsque la mesure sera prise par un posemètre indépendant. Actuellement vous pourrez trouver des posemètres pas très chers sous la marque Sekonic. Il est à noter qu’il existe sur le marché des smartphones, des applications pour transformer votre téléphone en posemètre. Je n’ai pas essayé ces applications, ce n’est donc qu’une information. Si vous les utilisez faites nous part de votre expérience dans les commentaires.
Mesure de la lumière réfléchie
C’est la lumière qui est réfléchie par le sujet qui va permettre à la cellule de votre boitier de calculer la quantité de lumière dont il dispose pour effectuer ses réglages pour obtenir une « exposition correcte ». Ce système est étalonné par les fabricants ( Canon, Nikon, Sony …) pour obtenir une exposition correcte sur la base d’un gris à 18%. Il est donc pris en défaut dès lors que l’on souhaite reproduire des vrais noirs et/ou des vrais blancs. En effet si vous prenez en photo un modèle vêtu d’un manteau noir, la cellule interne de votre appareil ne va mesurer que le peu de lumière réfléchie par le manteau noir. Il va donc surexposer la photo – car pour lui il manque de la lumière – et au final le manteau n’est pas noir sur la photo, mais gris sombre. Si maintenant notre modèle est vêtu d’un manteau blanc, vous avez deviner que c’est l’inverse qui va se produire : trop de lumière est réfléchie par le sujet, la cellule va donc faire en sorte de sous-exposer le scène – pour le boitier il y a trop de lumière alors que le sujet est éclairé de façon strictement identique – et la photo nous laissera voir un manteau blanc qui est devenu gris clair.
Mesure de la lumière incidente
La mesure de la lumière incidente par un posemètre permet d’être très précis sur la quantité de lumière que l’on envoie sur un sujet. Pour un portrait en studio, par exemple, il est possible de mesurer et donc de régler précisément la quantité de chacune des sources de lumière. Pour reprendre l’exemple ci-dessus que le manteau soit noir ou que le manteau soit blanc, la mesure de la lumière qui arrive sur le modèle est toujours la même. On aura donc un et un seul réglage dans les deux cas et les noirs seront noirs, les blancs, blancs.
Vous pouvez bien entendu faire cette expérience avec une feuille de papier Canson noire et une autre feuille blanche. Faites une photo de chaque feuille en les éclairant de la même manière. Vous constaterez que votre feuille noire est grise et la feuille blanche n’est pas blanche.
C’est pourquoi en studio la mesure de lumière est pratiquement systématiquement faite avec une cellule externe pour autant que l’on souhaite réellement maîtriser nos sources lumineuses.
La mesure par la cellule du boitier
Quelque soient les marques et types de boitiers reflex, hybrides, compacts et autres smartphones tous ces appareils utilisent des systèmes embarqués extrêmement sophistiqués pour mesurer la lumière de la scène mais aussi, et c’est très important, la distribution de la lumière dans la scène. On les appelle les « modes de mesure ». Comme je l’ai précisé plus haut, ces systèmes mesurent la lumière réfléchie par la scène que l’on veut photographier et donc par déduction, ce que je vois dans mon viseur (ou mon écran). Dans la mesure où la scène ne présente pas de difficultés majeures de luminosité (soleil de face, un sujet à l’ombre, l’autre au soleil etc.) les outils de mesure font plutôt du bon travail pour autant que l’on utilise le bon outil. Globalement il existe trois grands type de mesure. Selon les fabricants l’appellation est différente, mais dans les faits il s’agit du même réglage. Les pictogrammes sont ceux du fabricant Sony.
Mesure Multizones
Elle est appelée aussi mesure évaluative, parfois mesure matricielle. Ce mode de mesure divise la surface totale en plusieurs zones et mesure l’intensité lumineuse dans chacune d’elles. Le système embarqué détermine alors l’exposition appropriée pour l’ensemble de l’écran. Cette mesure est un peu la mesure par défaut dès lors qu’il n’y a pas de difficultés de gestion de la lumière. Elle est utilisée dans la majorité des cas. On peut inclure dans ce mode de mesure les mesures appelées mesure moyenne, globale ou intégrale. Même si des différences existent entre les fabricants, le principe reste toujours l’analyse de pratiquement tout la zone embrassée par le capteur et la comparaison avec une base de données de milliers de photographies afin de déterminer la meilleure exposition possible. Chaque fabricant détermine ses propres zones d’analyse et à sa propre base de données. Mais bon les résultats sont pratiquement identiques quelque soit la marque.
Mesure à Pondération centrale
Ce mode mesure la luminosité moyenne de l’ensemble de l’écran comme dans le cas de la mesure multizones, mais en privilégiant la zone centrale. Elle va donner plus d’importance à la mesure effectuée dans un cercle au centre du viseur. C’est un compromis entre la mesure multizones et celle que l’on verra ensuite, la mesure spot. Il faut judicieusement utiliser cette capacité à privilégier le centre de l’image en terme de luminosité, car notre sujet n’est pas forcément au centre de l’image. De plus sur des images de paysage par exemple la pondération au centre exclue la mesure d’une partie du ciel. On est souvent contraint à faire la mesure puis ensuite à recadrer.
Mesure Spot
Ce mode ne mesure la lumière que dans le cercle de « mesure spot » situé dans la zone centrale. Le choix de ce type de mesure ne doit pas être fait sans discernement. En général on l’utilise plutôt en mode manuel pour gérer des situations de lumière complexes. Elle est généralement peu utilisée car elle nécessite la plupart du temps de mémoriser l’exposition pour pouvoir ensuite recadrer. Le cercle dans lequel se fait la mesure est vraiment très petit et représente moins de 5% de la surface de prise de vue.
Plage Dynamique
Pour terminer cette première partie sur la lumière, je voudrais aborder le sujet de la plage dynamique. En fait il existe deux plages dynamiques : la plage dynamique de la scène que l’on souhaite prendre en photo et la plage dynamique du capteur de notre boitier. Tout d’abord qu’est ce qu’une plage dynamique ? La plage dynamique est le ratio entre les couleurs les plus claires et les couleurs les plus foncées d’une scène. Nous avons exactement la même définition pour la plage dynamique du capteur de notre boitier. La plupart des problèmes de plage dynamique résident dans le fait que très souvent la plage dynamique de la scène est supérieure à la plage dynamique de notre capteur ! En conséquence le capteur ne peut pas retranscrire exactement la scène. Notre oeil a une plage dynamique extraordinaire. En effet nous n’avons aucune difficulté à voir une personne à l’ombre alors que la scène est baignée de soleil. Pour le capteur d’un appareil photo numérique, il en est tout autrement.
Dans les prochains tutoriels sur la lumière nous verrons qu’il existe des solutions pour pallier ces problèmes de plages dynamiques ( notamment avec le HDR ), mais pour l’instant voyons une synthèse de ces difficultés dans l’infographie suivante :
Deux cas se présentent : dans la première photo j’ai exposé pour avoir la lumière correcte à l’arrière plan. La plage dynamique de la scène est trop importante par rapport à la plage dynamique de mon capteur. Mon image est donc beaucoup trop sombre (sous-exposée), mais l’arrière plan est correct.
Dans le deuxième cas j’ai exposé pour l’intérieur du bassin. De la même façon, la plage dynamique de la scène est trop importante par rapport à celle du capteur de mon boitier, l’arrière plan est totalement cramé (sur-exposé).
Sur ces deux images, la plage dynamique étant trop importante, il était impossible de créer une image de se que j’avais devant les yeux.
Dans Lightroom ou Photoshop, il est possible de fusionner ces deux expositions pour obtenir une image avec une plage dynamique plus élevée.
D’autres outils permettent de fusionner les images directement dans l’appareil de prise de vue. Il existe également des plugins spécialisés de fusion HDR comme LR-Enfuse pour Lightroom.
N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires sur le sujet, me dire comment vous procédez, quelle est votre propre méthode, est ce que cet article vous a été utile, bref n’hésitez pas à enrichir le dialogue.
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Et en attendant faites des photos !
(Première publication : juin 2017)
Références bibliographiques :
- Le guide de la lumière et de l’éclairage – Michael Freeman – Editions Pearson
- Les secrets de la Lumière et de l’exposition – Volker Gilbert – Editions Eyrolles